Login

Méthanisation : ils ont osé Agricyclage : valoriser les déchets alimentaires en biogaz

La matière est variée. Les produits peuvent être encore emballés (yaourts périmés, barquettes…) ou en vrac, comme des fruits à l’état de maturité trop avancé pour être commercialisés.

Méthaniseurs à Sorbon, dans les Ardennes, six agriculteurs se lancent dans l’aventure de la valorisation des biodéchets, alimentaires ou végétaux. Une usine dédiée à la première catégorie a vu le jour en 2022, baptisée « Agricyclage ». Les produits issus des agro-industries et des particuliers des environs sont valorisés, après avoir été déconditionnés si nécessaire. La matière finale obtenue, sous forme de soupe, fait partie intégrante des intrants qui alimentent le digesteur de l’unité de méthanisation. Le biométhane produit est vendu, tandis que le reliquat, nommé « digestat », est valorisé sous forme d’engrais épandu sur les 1 200 ha que compte le plan d’application, au moyen d’un dispositif « sans tonne ».

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

13 décembre 2022, Agricyclage est inaugurée. Tout juste un an après la mise en service du méthaniseur qui permet d’alimenter directement le réseau de gaz du Rethélois (sud des Ardennes) à hauteur de 300 Nm3/h. En créant cette nouvelle structure, les six associés ont de la suite dans les idées : l’hygiénisation et la valorisation des déchets organiques. Les déchets alimentaires comprennent les restes de repas, les coquilles d’œufs, les os, les peaux de fruits et les épluchures.

Les biodéchets (en 1) sont collectés et hygiénisés (en 4) avant d’être valoriser en gaz (en 6) via le process de méthanisation (en5) puis terminent leur cycle en digestat pour fertiliser les champs (en 7) (© D.R.)
« Nos motivations en faveur d’Agricyclage sont nées d’un double constat, commence Louis-Joseph Samyn, responsable de la structure. Le premier, c'est l’absence d’un tri spécifique et d’une collecte sélective. Les biodéchets, c’est-à-dire les déchets organiques, qui représentent environ 30 % du total des déchets en France, sont ramassés avec les ordures et sont systématiquement incinérés ou enfouis. C’est un non-sens ! Le second, c'est le besoin des sols en matière organique. Le digestat est riche en fertilisant rapidement assimilable par la plante. »

Pour Louis-Joseph Samyn et ses associés, le retour au sol s’impose comme une évidence. L’installation de méthanisation Agricyclage se compose d’un bâtiment lumineux qui, de surcroît, dégage une odeur peu prononcée. L’environnement de travail y est agréable. La société emploie treize personnes à temps plein. Douze d'entre elles sont en poste depuis le lancement de l'activité, se félicite le responsable de la structure.

Le déconditionneur Smicon, de fabrication hollandaise, comprend un séparateur à fléaux mobiles. Celui-ci permet de dissocier les indésirables de la matière, et de satisfaire à l’exigence de taille maximale de 12 mm pour les particules SPAn C3 (sous-produits animaux de catégorie 3) à hygiéniser. (© C.R.)
« La charge de travail est importante, mais les salariés sont motivés. Nous sommes très exigeants sur la propreté des EPI [équipements de protection individuelle] et des contenants, même si cela demande du temps. Nous avons des échanges réguliers pour optimiser les travaux. »

L’équipe est composée de deux animateurs et de deux commerciaux qui animent et réalisent l’audit du client et l’identification des déchets. Sur le terrain, sept chauffeurs assurent la collecte. Une seule personne est dédiée à la gestion opérationnelle du site.

Le compacteur monobloc Pressor réduit de 3 à 6 fois le volume initial des déchets, avec une force réglable jusqu’à 28 t. (© C.R.)

Un site de déconditionnement moderne et bien pensé

Les biodéchets de toutes formes, solides, liquides, enfermés dans des sacs-poubelles ou d'autres contenants plastiques, sont entièrement et directement vidés dans une trémie de 70 m3 installée au centre du bâtiment. Aucun tas n’est stocké afin de garder un niveau d’hygiène irréprochable. Une double vis conduit la matière vers le déconditionneur. Il comprend un séparateur à fléaux mobiles qui permet de traiter le flux de biodéchets emballés, en séparant le contenu organique des contenants. Sa capacité de traitement – 160 000 t de déchets à l’année – est bien supérieure à la quantité potentielle du secteur.

« Mes associés et moi-même avons fait ce choix afin d’affiner au maximum le triage sans limiter notre capacité de traitement ! La grille beaucoup plus fine permet de répondre à notre objectif prioritaire : rapporter la matière au sol avec le strict minimum d’indésirables. Qui mieux que des agriculteurs peuvent comprendre cet enjeu ? Le fait d’être notre propre client est un atout majeur », argumente Louis-Joseph Samyn. La réglementation impose un maximum de 0,5 % d’indésirables. « Alors que de gros acteurs moins sensibles au sujet des sols pourraient se limiter ou se limitent à ce seuil afin de garder un débit de traitement optimum, de notre côté, notre sensibilité nous conduit à un taux final de 0,05 % ! »

À la sortie du déconditionneur, les indésirables sont acheminés vers un compacteur qui les compresse pour les rendre moins volumineux, tandis que la matière organique est légèrement diluée dans de l’eau et récupérée sous forme de « soupe », qui va être hygiénisée à 70 °C pendant 1 heure. Cette soupe est ensuite incorporée, avec les autres intrants, dans le digesteur du méthaniseur. Un hydrocyclone tournant très lentement permet encore de supprimer davantage d’indésirables, en les colmatant sur les parois.

La soupe recueillie est dotée d’un bon pouvoir méthanogène et a l’avantage de produire un biogaz de bonne qualité, possédant un bon taux de CH4. (© C.R.)
(© C.R.)

600 clients, 700 points de collecte et 10 000 t de biodéchets  

À deux heures autour du site de l’exploitation, 80 000 t de biodéchets sont « produits » par les industriels et les particuliers, dont environ la moitié est collectable. Agricyclage ne cache pas sa volonté d’être leader sur son secteur et ambitionne de récupérer au moins 50 % des volumes disponibles. Aujourd’hui, 10 000 t sont collectées dans les Ardennes, la Marne et le sud de l’Aisne, avec une volonté d’extension dans la Meuse.

Les impuretés se dirigent vers l’extérieur du cône de l’hydrocyclone jusqu’à être éjectées dans une caisse. Elles sont destinées à l’enfouissement. (© C.R.)
(© C.R.)
« Nous comptons 600 clients environ, parmi les cantines, les restaurants, les grandes et moyennes surfaces, et l'agro-industrie, indique Louis-Joseph Samyn. Nous organisons nous-mêmes la collecte des déchets alimentaires via une flotte de huit camions : des porteurs 26 t bâchés, des bennes à ordures ménagères équipées d’un système de lavage. »

Les camions peuvent recevoir 48 caisses de 610 kg. Avant de commencer leur tournée, les chauffeurs des camions-poubelles font le plein d’une réserve d’eau de 1 000 L, directement à la cuve d’eau chauffée par la chaudière, donc par le méthaniseur. Aux points de collecte, chaque contenant est systématiquement lavé au laveur haute pression avec de l’eau à 80 °C. Les biodéchets sont collectés dans les points d’apport volontaire (PAV) au moins une fois par semaine, ce qui est légalement le minimum avant l’apparition, par exemple, d’asticots qui rend la collecte interdite et nécessiterait une incinération du déchet.

Agricyclage dispose de sa propre flotte de collecte des biodéchets, composée de huit camions : des porteurs de 26 t bâchés et des bennes à ordures ménagères. (© C.R.)
Les camions-bennes disposent de leur propre unité de lavage avec une réserve d’eau de 1 000 L et une lance à l’arrière. (© C.R.)

Dépasser ses limites

« Notre statut d’agriculteurs pour ce projet atypique n’a pas été favorable à une réponse positive de notre banque habituelle, regrette Louis-Joseph Samyn. Pourtant, face à une concurrence forte et spécialisée, Agricyclage se démarque par une bonne gestion de la collecte logistique et par le bon sens des agriculteurs associés. Les échanges et les conseils apportés par un agriculteur-méthaniseur alsacien ont été capitaux dans la décision finale de se lancer dans l’aventure ! Celle-ci a commencé avec 15 caisses palettes et 3 clients ; aujourd’hui, cela représente de 80 à 150 caisses pour 600 clients. Nous pensons bien augmenter notre flotte de camions et compter vingt salariés à l’horizon 2025 ! »

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement